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En débat au Parlement depuis mars 2019, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a été publiée au Journal officiel le 26 juillet, sous l’impulsion, pour certains points, de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Certification à échéance régulière, télésoins, ou encore réforme du dispositif des protocoles de coopérations interprofessionnelles, on fait le point sur les quelques mesures relatives aux infirmiers, avec l’éclairage de Patrick Chamboredon,  président de l’ONI, qui a participé aux négociations.

De façon générale, la nouvelle loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a pour ambition de structurer les soins de ville, afin de maintenir les personnes à domicile et leur éviter de se rendre à l’hôpital. Dans ce contexte, les infirmières et infirmiers apparaissent comme l’un des rouages de cette impulsion, afin de favoriser les soins de proximité et améliorer la prise en charge des patients.

Certification et appui à la coordination

Désormais, la loi instaure une procédure de certification à échéances régulières, qui aura pour objectif de « maintenir les compétences et la qualité des pratiques ». Au départ, cela s’appelait la « recertification ».

Concrètement, il s’agit du même principe que pour les médecins : tous les trois ans pour les infirmières et infirmiers (tous les ans pour les médecins), leurs compétences seront validées, et donc valorisées. Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers, commente : « Cette disposition va dans le sens de la confiance mise au service des usagers. C’est un objet de valorisation qui permettra notamment de prendre en compte l’encadrement et les D.U, qui sont peu valorisés à l’heure actuelle ».

Les modalités d’application restent encore à construire. Seule petite crainte pour l’Ordre national des infirmiers, le fait que le texte qui se rapportera aux infirmières et aux infirmiers soit un placage directement du texte qui s’applique aux médecins. Cette procédure interviendra par voie d’ordonnance, d’ici 2021.

Par ailleurs, le « dispositif d’appui à la coordination » (DAC) aura pour objectif de remplacer les réseaux de santé, les PTA (Plateformes Territoriales d’Appui aux situations complexes) et les MAIA (Méthode d’Action pour l’Intégration des services d’aide et de soin dans le champ de l’Autonomie).
L’objectif est donc de fusionner en un seul les différents dispositifs qui existaient. Il assure la réponse globale aux demandes d’appui des professionnels, contribue avec d’autres acteurs et de façon coordonnée à la réponse aux besoins des personnes et de leurs aidants, participe à la coordination territoriale qui concourt à la structuration des parcours de santé.Les DAC disposent d’une gouvernance assurant la représentation équilibrée des acteurs des secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires, et intègrent des représentants des usagers, du conseil départemental et des CPTS (Communautés Professionnelles Territoriales de Santé).

À ce sujet, plusieurs questions subsistent, comme le fait remarquer Patrick Chamboredon : « Les IDEL seront les acteurs majeurs de ce dispositif d’appui à la coordination. Reste à savoir comment se poseront les questions de rémunération au parcours, et entre la ville et l’hôpital. La rémunération à l’acte leur sera-t-elle plus favorable ? Le modèle reste encore à créer, mais on voit déjà que les IDEL sont sur toute la ligne, par exemple pour les plaies chroniques et le diabète. »

Apparition de la télésanté, des télésoins et adaptation des posologies

Les télésoins n’existaient pas dans la loi auparavant. La DGOS (Direction Générale de l’Offre de Soins) est en train de travailler dessus. Un avenant prévoit d’ores et déjà une dotation pour les infirmières et les infirmiers, afin de les aider à exercer ces nouvelles fonctions, et pouvoir s’équiper. Les conventions nationales prévoiront la prise en charge des activités de télésoins par l’Assurance maladie.

La loi précise que la prise en charge sera soumise à la réalisation préalable, en présence du patient, d’un premier soin par un auxiliaire médical de la même profession que celle du professionnel de télésoin.

Un autre article de la loi santé élargit un peu plus la compétence des infirmières et infirmiers exerçant dans un cadre coordonné (ESP, MSP, CPTS, Centre de santé). Ils seront autorisés à adapter la posologie de certains traitements pour des quelques pathologies  (liste fixée par arrêté), sur la base des résultats d’analyses de biologie médicale, et à l’exception d’un avis contraire du médecin .

Seront aussi concernés les « solutions et produits antiseptiques, ainsi que du sérum physiologique à prescription médicale facultative », qui pourront être prescrits par les infirmières et les infirmiers. L’ONI avait demandé davantage quant à cet élargissement, mais les lobbyings semblent l’avoir emporté.

Réforme du dispositif des protocoles de coopération et autorisation de l’exercice des assistants médicaux

La loi fait peau neuve en la matière : une nouvelle liste de protocoles nationaux sera proposée par un comité national des coopérations interprofessionnelles (UNCAM, HAS, ministère, ARS, CNP et ordres), puis déployée sur l’ensemble du territoire.

Ce comité peut proposer l’intégration des actes dérogatoires dans les compétences règlementaires des professionnels. Le dispositif de protocoles de coopération avait été créé par la loi HPST. Le dispositif de protocoles de coopération permet que des professionnels de santé travaillant en équipe aient la possibilité d’élaborer un protocole différent d’un protocole national.

Outre quelques changements d’ordre organisationnels, la nouveauté tient au fait que des professionnels de santé travaillant en équipe peuvent, à leur initiative, élaborer un protocole autre qu’un protocole national. La limite restant au seul cadre de l’équipe promotrice. « C’est une mesure de simplification des protocoles, explique Patrick Chamboredon. Mais on peut se poser la question de savoir si cela va favoriser les transferts, et ce qu’il en sera des bénéfices. À ce jour, aucun protocole développé par des infirmières n’est rentré dans les compétences initiales. »

Enfin, et cette disposition inquiète l’Ordre, les assistants médicaux auront désormais la possibilité d’avoir une dérogation à l’interdiction de l’exercice illégal de la médecine « dans la limite de leur formation ».

« C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron en septembre [à l’occasion de la présentation du plan Ma Santé 2022], le feu vert est donné maintenant. Tout ce qui est nouveau fait peur, et en l’occurrence on ne sait ni qui va former les assistants médicaux, ni quelles seront leurs compétences. En réalité l’idée n’est pas nouvelle, puisqu’elle date de 2000, elle était à l’époque portée des syndicats de médecins libéraux. Ce nouvel acteur rend les limites floues entre les métiers et risque de complexifier le système, le gros problème étant qu’en face il y aura des patients. »

Le président de l’ONI conclut : « Il faut s’emparer des CPTS. Les infirmiers doivent prendre à bras le corps ces structures et porter des projets. Les patients ont forcément un médecin traitant, c’est obligatoire. Cette loi a un grand impact sur le rôle des infirmiers. Ils ont un rôle social d’aide à domicile et de coordinateur des projets. C’est celui qui est en contact avec le médecin, le pharmacien, le kiné et d’autres professionnels de santé. C’est également une autre façon de désengorger les urgences, alors que la cour des comptes a estimé que 20% des patients ne devraient pas se trouver aux urgences. »

> Article publié sur le site d’ActuSoins le 7 août 2019

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