Pour faire suite au calendrier vaccinal annoncé par le gouvernement le 7 janvier dernier contre la COVID-19, la Communauté de Communes Bièvre Isère s’est organisée. La particularité de cette collectivité territoriale est son éloignement géographique de tout hôpital, à plus d’une demi-heure de route. Une quinzaine d’IDEL ont été appelées pour réaliser les vaccins.
Tous les matins, depuis le 16 janvier, le siège de la Communauté de Communes Bièvre Isère, situé à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, assiste à un ballet désormais bien huilé.
Les personnes de plus de 75 ans et les professionnels de santé de plus de 50 ans font la queue sur le côté du bâtiment. Pour faire face à l’urgence, la Communauté de Commune, en lien avec la préfecture de l’Isère, l’ARS et la CPAM, a fait le choix de sacrifier sa salle de conseil pour vacciner sa population.
Yannick Neuder, président de la collectivité, également chef de pôle thorax et vaisseaux, cardiologue au CHU de Grenoble, vice-président à la Région Auvergne-Rhône-Alpes et maire de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs expose : « Face à l’absence d’hôpital à proximité de notre territoire, nous avons fait ce choix pour que l’ensemble de la population ciblée puisse avoir accès au vaccin, dans l’esprit des CPTS. La capacité du centre est de 2000 vaccins par semaine ».
La commune de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs compte un peu plus de 3000 habitants, la communauté de communes Bièvre Isère en dénombre 88 000, répartis sur 84 communes. Depuis le 18 janvier, 414 personnes ont été vaccinées*, sur les 6 à 10 000 populations-cibles de cette première phase (plus de 75 ans et professionnels de la santé de plus de 50 ans).
Actuellement, trois lignes de vaccination sont ainsi opérationnelles, pouvant être portées à six en cas de nécessité. Le sens de circulation est à sens unique : les patients se présentent sur rendez-vous, un questionnaire leur est remis par le secrétariat, un médecin toujours présent sur le site récupère le questionnaire, puis le patient est vacciné.
Entre quinze à trente minutes plus tard, il se voit remettre son certificat de vaccination et un deuxième rendez-vous est pris pour la seconde injection. Un espace de soin est présent si besoin. Un médecin coordonne par ailleurs le centre de vaccination à distance.
Les IDEL au cœur du dispositif
Pour mener à bien cette mobilisation, la Communauté de Communes a donc fait appel à une quinzaine d’infirmières et infirmiers libéraux de la région, qui se succèdent par demi-journée.
Leur rôle, outre la vaccination, est de reconstituer les flacons avant l’arrivée des patients, dès 8h30. Les trois infirmières présentes se relaient dans les manipulations.
Muriel Montès, infirmière puéricultrice dans la commune de Meyrieu-les-Étangs, située à une trentaine de kilomètres du centre de vaccination, est intervenue une fois. « En tant qu’infirmière, la vaccination fait partie de mon métier, j’ai travaillé 23 ans à l’hôpital et auprès d’adultes. Le centre de vaccination est très bien organisé, dans la mesure du nombre de vaccins disponibles. La seule insatisfaction est qu’il en faudrait plus… En revanche je n’ai pas du tout été sollicitée à Bourgoin-Jallieu » regrette-t-elle, dont le centre de vaccination, adossé au CHU, se situe à une dizaine de kilomètres de son lieu de travail.
« Il y a beaucoup de monde mais pas assez de vaccins » déplore une autre infirmière.
La facturation des demi-journées de vaccination s’effectue par la CPAM, d’un montant forfaitaire de 220 euros pour les infirmières et infirmiers, et de 400 euros pour les médecins.
Les IDEL gèrent seulement l’injection, la partie administrative étant prise en charge par le personnel dédié au centre de vaccination.
Le matériel de protection et le recueillement des déchets DASRI sont fournis par la Communauté de Communes et la Région. Des formations pour l’utilisation du SIVAC (Supporting Independent Immunization and Vaccine Advisory Committees) ont été programmées à destination du personnel.
Manque de vaccins, ligne téléphonique saturée
Les rendez-vous au centre se prennent exclusivement sur Internet, par le site Doctolib, ou par le biais d’un numéro géré par la Communauté de Communes.
Au désert médical s’ajoute ici la fracture numérique, les personnes de plus de 75 ans n’étant pas nécessairement habiles avec l’outil informatique.
Quant à la ligne téléphonique, cette dernière est régulièrement encombrée, et donc injoignable. Au point que certaines personnes se déplacent directement sur place. « Les gens sont un peu énervés, témoigne une autre infirmière, Cécile Luc-Pupat. Les patients ne comprennent pas que l’on ne puisse pas venir chez eux. En tant qu’IDEL il n’est pas possible de réaliser les vaccins à domicile, car il faut qu’un médecin soit sur place en cas d’administration de médicaments. »
Autre point soulevé par Delphine Baty, infirmière qui est venue vacciner une fois et reviendra la semaine suivante : « L’organisation se passe plutôt bien, les gens ne restent pas longtemps. Il n’y a pas eu de complications avec les patients. Ce qui pose plus problème, ce sont le manque de doses et la prise de rendez-vous. Certains patients qui viennent n’ont rien à voir avec le lieu géographique, mais on ne peut pas refuser les patients. » Dans les faits, des Grenoblois peuvent venir se faire vacciner et « prendre » la place des habitants de la Bièvre.
La mobilité fait partie des problématiques du territoire, qui ne dispose pas de transports publics. Afin de pallier ces difficultés pour joindre le centre, certaines petites communes ont pris l’initiative d’inscrire directement leurs populations concernées auprès du centre de vaccination.
Chaque matin, 66 doses, envoyées par la pharmacie du CHU de Grenoble, sont administrées, selon les consignes de l’ARS. Pour l’heure, 1905 rendez-vous ont été pris jusqu’au 14 février.
Guillaume Bouvy
(*en date du 26/01)
> Article paru sur le site d’ActuSoins le 29 janvier 2021